Quand la culture dépasse les frontières
Lorsque les gens entendent le mot rastafari, ils pensent à Bob Marley ou encore à la ganja… A la Jamaïque, patrie du mouvement, ce n’est pas qu’un style de vie mais une religion assez codifiée. Finalement, très peu de personne en dehors de ceux qui s’y sont intéressé connaissent les principes de cette foi parfois complexe.
Ci-dessous, je passe en revue certaines des croyances et pratiques fondamentales de ce mouvement.
Origine du rastafarisme
Marcus Garvey
Les Rastas avec qui j’ai eu l’occasion d’en parler pendant mes séjours considère que l’origine de leur religion date de la prophétie du nationaliste noir jamaïcain Marcus Garvey. Il avait prédit à ses partisans qu’un roi noir se lèverait bientôt en Afrique.
Les adeptes pensent que Garvey faisait référence au couronnement de 1930 de l’Empereur Hailé Sélassié I d’Ethiopie. L’un des noms alternatif de l’empereur était Ras Tafari, ce qui a servi comme nom au mouvement. Dans la croyance, Sélassié serait la seconde réincarnation du christ.
5 préceptes rasta pour mieux comprendre
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L′alimentation dans la culture rasta
La plupart des Rastas suivent un régime végétarien strict. Officiellement appelé I-tal, il se traduit par «naturel».
Les dreads préfèrent consommer des aliments et des boissons qui proviennent «de la terre» plutôt que des produits industriels. Ils tentent donc d’inclure autant de fruits et de légumes que possible dans leur alimentation quotidienne.
Spécificité I-tal
Les rastas peuvent aussi manger du poisson. Dans ce cas, ils ne mangent aucun poisson mesurant plus de 30 cm.
Beaucoup croient que les boissons alcoolisées, le café et le lait ont un effet corrosif sur l’esprit. Du coup, ils conseillent de ne pas en boire.
En harmonie avec la nature qui les entoure, la majorité consomment des tisanes de plantes appelées « Bush Tea ».
Ils sont souvent fin spécialiste de leur environnement naturel et maîtrise l’usage des plantes médicinales.
Bien souvent la cuisine est sans sel ajouté, et ne comporte aucun produit industriel dans les préparation culinaire. Cela rejoint le mouvement “Vegan” sur certains aspects.
Parfois, même si un rasta décide de manger de la viande, il lui est formellement interdit de manger du porc. Cela peut arriver, la Jamaïque est un pays pauvre et la faim à parfois raison de certains dogmes.
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Réunion communautaire hebdomadaire
Les fidèles pensent que leur véritable temple est leur corps. Et par conséquent ils n’ont pas besoin d’un «espace ecclésiastique» spécifique pour y vénérer Jah. Il existe bien quelques centres communautaires à la Jamaïque, vous n’en trouverez pas en ville. Ils sont isolés dans les montagnes et vivent à l’écart.
Rites traditionnels
Les fidèles se réunissent chaque semaine dans un espace commun ou en extérieur pour une « séance de réflexion ». Au cours de ces séances, les membres du groupe chantent, prient et discutent ensemble de problèmes spirituels et du quotidien. Le mot Nyabingi est utilisé pour décrire l’aspect musical de ces sessions.
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La Ganja
La nourriture de l’esprit
99.9% des rastas font usage de la marijuana (ganja). Ça les aide dans leurs pratiques méditatives. Ils renforcent leur sens de la communauté et calme les esprits ainsi. La consommation de ganja se fait à l’aide d’une pipe à eau dit le « chalice » qu’ils peuvent se partager ou pas.
Vocabulaire Rasta
L’herbe presque sèche est coupée sur une planche de bois réservé à cet usage. Elle porte le nom de « Suru board ».
Une fois grossièrement hachée, l’herbe est insérée dans le « kutchie ». C’est une sorte de cône en terre cuite ou la combustion se fera. Ce cône est généralement installé sur une noix de coco. Je l’ai aussi vu monté sur un morceau de corne de vache mesurant une vingtaine de centimètre de long et obturé aux extrémités par du bois. Quelque soit sa base, le volume est rempli à moitié d’eau.
Il y a un orifice sur la partie haute permettant de recevoir le kutchie. Quel que soit le modèle, il y aura un tuyau pour aspirer la fumée qui sera d’abord refroidie par l’eau. On trouve aussi un autre petit trou, que l’on bouche avec le doigt au moment ou il faut aspirer. Relever le doigt crée un appel d’air que seul les plus expérimentés pourront apprécier.. L’usage du chalice nécessite d’avoir une certaine expérience de la consommation de la ganja.
Référence Biblique
Selon les croyances rasta, la marijuana est une herbe sacrée qui les aide à la méditation. Ils considèrent cette plante comme nourriture de l’esprit (Lamb’s Bread). Ils s’appuient sur diverses parties de la Bible pour justifier leur consommation de ganja, tels que Psaume 104: 14 et Exode 10:12.
Ils ne l’appellent jamais simplement «cannabis» et ne la considère pas comme une drogue. Au lieu de cela, les Rastas utilisent des termes comme « lamb’s bread » ou bien « King’s Bread » ce qui lui confère un aspect sacré.
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Les Dreadlocks
Les rastas se laissent pousser leurs cheveux et la barbe en dreadlocks. Symbole de liberté, c’est aussi en référence à la crinière du lion de Juda. Toujours en rapport avec la bible, le verset clé cité pour la défense de cette pratique est Lévitique 21: 5.
Les dreadlocks sont considérés comme un symbole de défi envers l’influence démoniaque de «Babylone». Pour eux, Babylone fait référence à toutes les forces négatives sur le plan spirituel du monde matérialiste.
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Symbolisme & Vocabulaire
Symbolique des couleurs
Le drapeau rastafari est composé des trois couleurs disposées en traits horizontaux : vert, or et rouge.
En haut, la ligne verte symbolise la végétation de la Jamaïque et de l’Éthiopie.
La ligne médiane de l’or symbolise la richesse future de la nation africaine.
Enfin, la ligne rouge du bas représente le sang versé par les ancêtres et les martyrs pour la cause rastafari. Certains drapeaux rasta ont également le lion de Juda au centre. Et c’est sans surprise de constater que le drapeau officiel de l’Éthiopie est composé des trois mêmes couleurs que le drapeau rasta. Cependant, le drapeau éthiopien a également un cercle bleu au centre avec un pentagramme jaune.
Le vocabulaire rasta, le Lyaric
Définition
Certains l’appellent aussi Livalect, Dread-talk ou bien encore I-talk. Mais c’est un dialecte créé sur la base de la langue Anglaise. Beaucoup de Rastas considèrent l’anglais comme une langue décadente et même démoniaque inspirée par Babylone.
Exemple
Au départ, les personnes pratiquant le lyaric ont changés certains mots et certaines structures grammaticales de l’anglais pour réajuster son sens. Un exemple de la façon dont les Rastas ont transformé le terme « livication » plutôt que «dédicace». Ils ont débarrassé le mot de la connotation «mort» dans le mot «dédicace» et le remplacent avec un sens «plus vivant» édifiant, d’où : livication.
Un autre exemple assez parlant de cette transformation est le mot « understand » qui devient « overstand », les rastas n’acceptent pas l’idée de soumission de ce mot et ils ont donc remplacé under par over.
Le mouvement rasta de nos jours
Les rastas dans la population jamaïcaine
Il n’y a pas vraiment d’étude sur le sujet mais certains spécialistes s’accordent sur le fait qu’il y aurait environ un million de personnes dans le monde qui adhèrent au mouvement dans sa forme la plus stricte. On estime que 1,5% de la population jamaïcaine s’identifie comme appartenant au mouvement.
Commémoration
- Chaque 21 avril, c’est le jour férié unique pour le rastafarisme, c’est le Groundation Day. En souvenir de la célèbre visite en Jamaïque d’Hailé Sélassié en 1966. Depuis et chaque année, les croyants se réunissent ce jour-là et organisent une session de Nyabingi pour rappeler cette événement.
- L’anniversaire de Marcus Garvey, le 17 août, est une autre fête importante pour les Rastas. A chaque date anniversaire,, ils se réunissent pour se souvenir de la vie et du travail de Garvey. Il y a des réflexions sur son rôle dans la diffusion du mouvement «Back to Africa». Si vous vous trouvez sur place à ce moment, les participants récitent de la poésie édifiante, chantent et dansent.
Parmi les autres jours importants du calendrier rastafari, on compte le Nouvel An éthiopien (11 septembre), le couronnement d’Hailé Sélassié I (le 2 novembre) et le Noël éthiopien (le 7 janvier).
Yeah Man
Ce mouvement spirituel est parfois juste un mode de vie pour certain. Au-delà de tous les dogmes, ce que j’ai retenu de toutes mes rencontres avec des rastas à la Jamaïque, est qu’il faut être soi-même dans la vie.
Comme vous pouvez aussi le constater après lecture, le rastafarisme est bien plus qu’un simple prétexte pour fumer de la marijuana. C’est un mode de vie respectueux de son prochain (tant qu’on aborde pas le sujet de l’homophobie) et de son environnement.
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