Bob Marley, la voix d’un peuple

Bob Marley, la voix d’un peuple

Robert Nesta Marley est né le 6 février 1945 à Rhoden Hall, près de Nine Miles dans la paroisse de Saint Ann. Bob Marley est né d’une mère noire jamaïcaine, Cedella Booker, épouse Marley Booker (1926-2008), et d’un père blanc d’origine anglaise né en Jamaïque, Norval Sinclair Marley (1885–1955) qui prétendait être capitaine de la Royal Navy, mais qui était en réalité contremaître dans les plantations. Robert, qui se fera appelé Bob, a très peu connu son père qui était souvent en voyage mais qui apportait son soutien financier à sa femme et son fils. Ses grands-parents paternels sont Albert Thomas Marley, un anglais du Sussex et Ellen Broomfield une bourgeoise jamaïcaine métissée.

Ses débuts

À l’adolescence, Bob Marley quitte la misère de la campagne pour celle du ghetto de Trenchtown à Kingston. Il arrete l’école à 14 ans et retrouve à Kingston Neville Livingston, dit Bunny Wailer, qu’il connait depuis son enfance passée à Nine Miles, et y rencontre Winston Hubert McIntosh, dit Peter Tosh, avec qui il chante des cantiques et des succès de soul américaine qu’ils entendent sur les radios de Miami. Le chanteur Joe Higgs leur donne des cours de chant. Bob Marley enregistre sa première chanson Judge Not pour le producteur Leslie Kong, du label Beverley’s, en 1962, à l’âge de 17 ans, ainsi qu’une reprise d’un succès de country de Claude Gray : One Cup of Coffee en 1962. Ces titres n’ont que peu de succès, mais il continue à s’investir dans la musique.

En 1963, Bob Marley forme avec Junior Braithwaite, Peter Tosh et Bunny Wailer, le groupe vocal The Wailers. Ils obtiennent un contrat avec Studio One en 1964 et leurs premiers morceaux de ska, gospel, rythm and blues et soul sont produits par le grand producteur local Sir Coxsone Dodd, qui a pour assistant en studio Lee « Scratch » Perry (qui deviendra aussi célèbre que Bob). C. Dodd et les Wailers signent un contrat pour cinq ans. En février 1964, le titre Simmer Down cartonne et devient no 1 en Jamaïque : 80 000 copies du titre sont vendues. Les Wailers enregistrent Rude Boy, I’m Still Waiting, Put It On et une première version de One Love. Après l’album intitulé The Wailing Wailers, le trio se sépare de Coxsone, qui ne leur a pas versé grand-chose en contrepartie des dizaines de titres qu’ils ont enregistrés pour lui.

Vers le milieu des années 1960, le rocksteady succède au ska. Plus lent et chaloupé que ce dernier, le rocksteady marque une étape dans l’évolution de la musique jamaïcaine, qui s’affranchit de plus en plus des rythmiques rapides du ska. Reprenant la soul nord-américaine et le rhythm and blues, le style est marqué par plus de chants et de claviers, et moins de cuivre. Les chansons reprennent des thèmes d’amour et de religion et les paroles s’imprègnent peu à peu de croyances rastafari. Les chanteurs s’adressent à la jeunesse et aux rudes boys des ghettos, et tentent de leur redonner espoir.

Après un bref séjour aux états-unis ou sa mère est partie s’installer après s’être remariée, il retourne dans son île après l’été 1966. Il s’intéresse de plus en plus au mouvement rastafari, qui a émergé dans les années 1930 en Jamaïque, et fonde avec Peter Tosh et Bunny Livingston le label indépendant Wail’n Soul’m. Leur premier titre, autoproduit, dans le nouveau style rocksteady, s’intitule Bend Down Low. À Kingston, Mortimer Planno, un rasta jamaïcain d’origine cubaine qui a voyagé en Éthiopie et rencontré Haïlé Sélassié Ier au début des années 1960, lui transmet une partie de sa culture rasta. Métis clair rejeté par les noirs jamaïcains, Bob Marley se sent accepté par ce mouvement. Sans le soutien d’un distributeur professionnel, ses disques se vendent très mal, et Bob Marley est trop pauvre pour vivre en ville avec sa femme Rita et ses deux enfants Cedella et Ziggy. Il retourne dans son village natal en 1967 pour un ressourcement spirituel, mais continue à enregistrer et à publier nombre de 45 tours sur son label Wail’n Soul’m, comme les futurs classiques Hypocrites et Nice Time, qui sortent sous le nom de groupe The Wailers. Rita, Bob Marley et Peter Tosh rencontrent, en janvier 1968, le chanteur américain Johnny Nash, qui est décidé à lancer le style rocksteady aux États-Unis, et son manager Danny Sims, avec qui ils signent un contrat international exclusif pour les disques et éditions JAD. Bob Marley leur fournit quantité de compositions inédites, dont Stir It Up, qui deviendra bientôt un succès pour Nash. Johnny Nash a beaucoup de succès avec le rocksteady (tube américain Hold Me Tight en 1968), mais l’album des The Wailers qu’il a financé ne sort pas (il ne sera finalement publié qu’en 1997 chez JAD). Seule une nouvelle version de Bend Down Low avec des cuivres américains ajoutés à New York sort en France et au Canada (JAD-CBS) en 1968, mais sans aucun succès. Bob Marley écrit parallèlement son premier morceau rasta, Selassie Is the Chapel, en 1968. Cet enregistrement important, dans le style nyabinghi (tambours rastas), est financé par Mortimer Planno, qui en interprète la face B, A Little Prayer. Quelques producteurs locaux se succèdent, mais le trio vocal n’a plus aucun succès depuis son départ du giron de Sir Coxsone Dodd.

Sans ressources, Bob Marley repart aux États-Unis rejoindre sa mère en 1969. Il travaille plusieurs mois comme ouvrier, de nuit, dans une usine automobile Chrysler, ce qui lui inspire les paroles de la chanson It’s Alright (1970). Sa femme, Rita,  et ses jeunes enfants le rejoignent. À son retour, il fonde les disques Tuff Gong, du nom du ghetto (dérivé du surnom de Leonard Howell, le « Gong » fondateur du mouvement rastafari), et enregistre une reprise de James Brown (Say It Loud) I’m Black and I’m Proud rebaptisée Black Progress, dans le nouveau style reggae, avec de jeunes musiciens, les frères Carlton (à la batterie) et Aston « Family Man » Barrett (à la basse), qui ne le quitteront plus. Mais les disques indépendants Tuff Gong n’ont toujours aucun succès. Marley va voir son vieil ami Lee « Scratch » Perry, qui est allé, fin 1969, en Angleterre accompagné par les frères Barrett sous le nom des Upsetters. Perry obtient un succès anglais avec l’instrumental The Return of Django et accepte de produire le trio vocal The Wailers. Ils collaboreront jusqu’en 1978. Perry donne une nouvelle couleur au groupe, qui enregistre plusieurs chefs-d’œuvre avec lui, dont Duppy Conqueror, Sun Is Shining, Soul Rebel, Kaya et le (I’ve Gotta) Keep on Moving de Curtis Mayfield. Il réunira certains de ces 45 tours sur l’album Soul Rebels sorti en Angleterre en 1973 chez Trojan.

Quelques concerts à Londres, avec les frères Barrett, sont organisés en première partie de Nash, mais sans succès. Nash part vers la gloire et abandonne son poulain. Bob Marley contacte alors Chris Blackwell, le fondateur des labels Trojan et Island Records. Blackwell est Jamaïcain, il a déjà distribué en Angleterre les disques Beverley’s de Leslie Kong, et connaît déjà le nom de Bob Marley. Il rachète le contrat de production à Danny Sims et confie de l’argent à Bob Marley qui retourne enregistrer, avec Bunny Wailer et Peter Tosh à Kingston le disque qui deviendra en 1973 Catch a Fire. À ce point charnière de sa carrière, Bob Marley a déjà contribué à au moins 350 morceaux enregistrés en studio (dont une trentaine environ en tant que choriste), dont une grande partie ne seront révélés au public international que beaucoup plus tard, bien après sa mort, notamment dans la série de dix CD The Complete Bob Marley and the Wailers 1967 to 1972 (JAD) réalisée entre 1998 et 2003 par le français Bruno Blum et l’américain Roger Steffens. Marley réenregistrera par la suite une partie de ces compositions, comme Satisfy My Soul, Sun Is Shining ou Lively Up Yourself.

À la suggestion de Chris Blackwell, les deux premiers albums pour Island – Catch a Fire et Burnin’ – sont remixés à Londres, où des solos de guitare sont ajoutés, ainsi que des parties de claviers qui apportent un son plus rock et plus accessible au grand public. Catch a Fire puis Burnin’ sortent chez Island encore sous le nom de groupe The Wailers en avril et octobre 1973. Mais, après une tournée anglaise non payée car les Wailers doivent gagner leur public britannique, Bunny Wailer quitte le groupe, remplacé par Joe Higgs pour la tournée US de 1973. Puis c’est Peter Tosh qui s’en va fin 1973, laissant Bob Marley à sa carrière solo. Le nom du groupe change alors pour s’appeler “Bob Marley and the Wailers” (à la suggestion de Chris Blackwell), les Wailers qui seront désormais ses accompagnateurs, parmi lesquels le trio vocal féminin « I Threes » avec Rita Marley, Marcia Griffiths et Judy Mowatt qui prend en charge les chœurs, les deux frères Barrett (Ashton “Family Man” à la basse et Carlton à la batterie), les pianistes Earl « Wire » Lindo et Tyrone Downie, le guitariste Earl « Chinna » Smith, l’harmoniciste Lee Jaffee et le percussionniste Alvin « Seeco » Patterson.

Le succès

Son troisième album est le chef-d’œuvre Natty Dread qui sort en 1974 sous le nom de “Bob Marley and the Wailers”, dans lequel le groupe incorpore une influence blues avec le guitariste américain Al Anderson. Un autre guitariste soliste Jamaïcain, Junior Marvin (dit le Hendrix jamaïcain) sera engagé après le départ de Al Anderson en 1976 (et crédité à partir de 1977 sur l’album Exodus). Suivra en 1975 l’album Live! enregistré le 18 juillet 1975 au Lyceum de Londres, puis l’essentiel Rastaman Vibration (1976) qui sera le disque de Bob Marley & The Wailers le plus vendu de son vivant, et son premier succès américain.

En 1973, Bob Marley rencontre Eric Clapton en Jamaïque et celui-ci reprend, l’année suivante, I Shot the Sheriff (présent sur l’album Burnin’), reprise qui sera gage de succès et contribuera à la vague du reggae en Occident. Le succès international de Bob commence.

Attentat

Le 3 décembre 1976 à Kingston, peu avant le grand concert gratuit en plein air Smile Jamaica qui a lieu à la demande du premier ministre jamaïcain Michael Manley, Bob Marley (qui ne soutenait pas Mickael Manley mais s’était engagé dans ce concert pour la Jamaïque et le peuple Jamaïcains en souffrance, les “Sufferers”) échappe à une fusillade déclenchée à son domicile par six hommes armés, alors qu’il répétait avec son groupe dans l’Island House au 56 Hope RoadNote 3. Une balle lui érafle la poitrine et vient se loger dans son bras gauche9, tandis qu’une autre touche Rita à la tête, mais sans la tuer. Don Taylor, leur manager américain, en sort très gravement blessé de cinq balles. Des membres des Wailers reconnaissent parmi les agresseurs Jim Brown, un tueur proche du parti travailliste de Jamaïque (JLP), parti d’opposition de droite pro-américain. Bob Marley évoquera cet épisode dans sa chanson Ambush in the Night sur l’album Survival publié en 1979.

Deux jours après l’attentat, Bob Marley participe comme prévu au concert Smile Jamaica à Kingston. Aux journalistes qui lui demandaient pourquoi il tenait tant à jouer lors de ce concert, il répondit : Les gens qui tentent de rendre ce monde mauvais ne prennent jamais de jours de congés. Comment le pourrais-je ? Bob Marley montre ses bandages à la foule, le concert se passe bien malgré les tensions.

Bob ne se sent plus en sécurité en Jamaïque et part en exil en janvier 1977. Il fait escale à Nassau, puis se réfugie à Londres. Il y enregistre les albums à succès Exodus et Kaya, ainsi que le single Punky Reggae Party avec Lee Scratch Perry, qui scelle un pacte rebelle avec le mouvement punk anglais en plein essor. Les titres Jamming et Waiting in Vain notamment, sont des tubes mondiaux. Sa relation avec la Jamaïcaine Cindy Breakspeare, Miss Monde 1976, contribue à le projeter à la une des médias.

La maladie

En mai 1977, une blessure au gros orteil, faite en jouant au football, se rouvre lors d’un match amical à l’hôtel Hilton de Paris, ce qui l’oblige à annuler sa tournée américaine. Un médecin lui suggère des analyses. Le diagnostic est réalisé à Londres : Bob Marley souffre d’un mélanome malin (maladie de la peau qui ne représente que 4 % des cancers, mais qui, de tous, est la plus dangereuse), sans doute dû à une trop longue exposition au soleil. Un médecin américain lui prescrit une amputation urgente de l’orteil, mais un mélange de superstition de son entourage (selon ses proches, cette amputation l’empêcherait de danser sur scène ou de rejouer au football et surtout la religion rastafari interdit toute amputation) et de pression en pleine tournée européenne où il rencontre enfin son public, contribuent à retarder l’opération. Finalement, un médecin de Miami lui retire uniquement le lit unguéal, croyant à tort arrêter la progression du cancer.

En avril 1978, Bob Marley and the Wailers font un retour triomphal en Jamaïque. Lors du One Love Peace Concert, Bob Marley parvient à réunir sur scène les deux ennemis politiques qui se disputent le pouvoir, Edward Seaga (JLP) et le Premier Ministre Michael Manley (PNP). C’est le sommet de sa carrière. Sans arrêt en tournée, Bob Marley and The Wailers enregistrent l’album en public Babylon by Bus , enregistré entre autres au Pavillon de Paris11 de la porte de Pantin en 1978 (emplacement du Zenith actuel). Bob fait alors construire son studio, Tuff Gong, où il enregistre l’album Survival. Les succès se multiplient. Le groupe Bob Marley and the Wailers joue jusqu’en Nouvelle-Zélande, où Bob Marley est accueilli chaleureusement par les Māori. En 1979, en pleine gloire, Bob Marley est la grande attraction du festival Reggae Sunsplash, près de Kingston, où participent également Burning Spear et Peter Tosh.

En 1980, après une perte de connaissance lors d’un jogging à Central Park à New York, Bob Marley passe un examen aux rayons X où l’on découvre cinq tumeurs, trois au cerveau, une aux poumons et une à l’estomac : son cancer s’est généralisé. Il ne dit rien à son entourage et continue ses concerts dont celui au Bourget 12 en Seine-Saint-Denis, en France, le 3 juillet 1980 qui rassemble plus de 50 000 personnes. Bob Marley and the Wailers donne un dernier concert à Pittsburgh, le 23 septembre 1980 avant que sa tournée Uprising soit définitivement annulée. Bob Marley subit des séances de radiothérapie et de chimiothérapie qui lui font perdre ses dreadlocks au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York et se convertit le 4 novembre à l’Église orthodoxe éthiopienne, dont la plus haute autorité était feu l’empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié Ier, considéré par les rastas comme étant la réincarnation de Jésus annoncée dans l’Apocalypse. Quelques jours après s’etre converti, il part en Bavière pour recevoir un traitement qui s’avèrera inefficace. Bob Marley souhaite finir ses jours en Jamaïque, mais il est finalement placé en soins intensifs le 9 mai 1981 à l’hôpital Cedars of Lebanon de Miami. Il y meurt le 11 mai 1981, trop faible pour faire le voyage en avion jusqu’à Kingston. Il est enterré le 21 mai dans sa paroisse de naissance, à St Ann, en Jamaïque, après des funérailles nationales à Kingston, qui attirent des centaines de milliers de personnes.

Son héritage

Bob Marley a fait découvrir au monde le reggae, un riche dérivé du blues qui a considérablement influencé la musique populaire occidentale. Sa musique a touché tous les publics, transcendant les genres, comme en témoigne un large culte, encore en pleine expansion dans le monde entier. La dimension de Bob est bien plus large que celle du simple chanteur capable de produire des succès populaires comme Is This Love ou Could You Be Loved. Exprimant à l’origine l’affirmation de la dignité et la valorisation d’une identité noire (bien qu’il soit métis plutôt clair) pour son peuple bafoué par des siècles d’esclavage (Slave Driver, Redemption Song), de colonialisme (Music Lesson, Crazy Baldhead) et d’oppression économique (Revolution), il incarne avec le mouvement rastafarien (Positive Vibration, War) l’éveil de son peuple à une révolution spirituelle contre un oppresseur qu’il décrit d’abord comme étant le fruit d’une imposture chrétienne (Get Up, Stand Up), voire païenne (Heathen), capitaliste (Rat Race), corrompu, raciste et hypocrite (Who the Cap Fit) à la fois. Parolier remarquable capable de s’approprier avec naturel des formules du langage populaire, n’hésitant pas à aborder les thèmes les plus universels, Bob Marley reste d’abord un symbole d’émancipation et de liberté. Il est aussi devenu l’un des symboles universels de la contestation (Soul Rebel), voire de la légitime défense (I Shot the Sheriff). Son message est d’abord d’ordre spirituel et culturel, et assorti d’une incitation à la consommation du chanvre (Kaya, Easy Skanking), qui fait partie de la culture rastafari et Jamaïcaine.

Il a dénoncé la négation de la personne noire, la falsification des cultures africaine et afro-américaine par le pouvoir et les religions de l’Occident, le travail des historiens à la solde de ces régimes (Zion Train, Music Lesson). Grâce au mouvement rasta (Forever Loving Jah, Rastaman Chant), Bob Marley a ouvert une voie qui ne se limite pas à la protestation d’ordre colonial et post-colonial. Il a souhaité montrer à l’humanité, la falsification de l’histoire des peuples noirs. Il a aussi une approche de la Bible jusque-là essentiellement inédite et de plus en plus largement étudiée et reprise depuis. Son approche théologique rastafarienne, relayée par sa célébrité, fait ainsi de Bob Marley le promoteur mondial du mouvement rastafarien.

Source : Wikipedia.org

Crédit image: voyage-jamaique.com

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